Attention, alerte rouge sang.
J’eus un gros tic nerveux. J’écoutai jusqu’au bout sa
tirade, et je restai allongé, quoique découvert. C’était l’hiver, il valait
mieux que je reste couvert. Sinon le peuple aura un Empereur malade. De plus,
cette femme avait le don rare de me faire sortir de mes gonds, même lorsque j’étais
fatigué. Alors, je me relevai, m’assis sur le fauteuil en face d’elle, et
répliquai calmement :
« Tu ne connais pas ma mère, je te prierai de la
laisser hors de cette histoire. Elle est morte et fort bien là où elle se
trouve. Est-ce clair ? »
Je me frottai les tempes, comme chaque fois que je réfléchissais.
Je réprimai mon envie violente de l’empoigner
pour ensuite lui faire rentrer dans la tête qu’elle avait plutôt intérêt à se
faire toute petite. Dommage, cette petite garce était suffisamment intelligente
– ou idiote – pour ne pas avoir peur d’un homme qui la violente. Après tout,
elle avait été élevée avec un père violent, indigne. Mais elle me cherchait, et
elle n’allait pas tarder à me trouver. Donc, je haussai un peu le ton pour lui
répondre :
« Chère Bellatrix, je n’ai jamais ordonné à cette
Isabella de te servir de nounou, je savais fort bien que les domestiques
iraient jusqu’à t’habiller le matin et te donner la soupe à la petite cuiller.
Et comment puis-je te croire ? Peut être te souviens-tu du bordel, et que
tu cherches à te venger. Ta mémoire est un véritable danger. Ensuite, je ne t’ai
point détrônée, jamais. Seulement, il me semble logique que tu aies une
convalescence digne de ce nom après une telle agression… Regarde toi, à peine
capable de retenir ta langue face à ton époux qui est épuisé après une journée
à sauver ton propre Royaume. Quelle Impératrice tu fais. »
Je me relevai et regardai à la fenêtre, pour me donner
contenance et pour vérifier aussi si les gardes faisaient bien des rondes sur
les frontières du fort et sur les routes intérieures. Je m’inquiétais en
permanence pour ces choses, pour toute sorte de chose. Comme si je voulais
absolument être un bon empereur. Pourtant, j’allais saigner à blanc ce peuple
pour en posséder un plus grand, plus conséquent, plus puissant. J’en avais
presque honte, à y repenser. Mais je devais d’abord m’occuper du cas de cette
chère Bellatrix.
« Le jour où tu m’auras prouvé que tu es apte à
gouverner vraiment un Royaume, je te laisserai venir aux réunions et autres évènements
importants. Tu auras même droit de veto. Mais avant, aux yeux du peuple, tu es
malade, amnésique, donc tu dois te reposer. Que penserait le peuple si je te
forçais à t’occuper de politique et de guerre ? Franchement, Bellatrix, tu
devrais faire comme toutes ces femmes, ne t’occuper que de ta garde robe et des
derniers potins. Ou lire à la bibliothèque. Ou te promener dans ce merveilleux
jardin qui entoure Kheyd ? Es-tu une femme ou pas ? Je n’ai pas
vérifié, après tout. Et cela expliquerait fort beaucoup de choses. »
Je fis un mouvement de la main, comme si je voulais
faire fuir une mouche. Elle m’énervait, profondément, et si elle faisait encore
un seul commentaire, je ne donnerais pas cher de sa peau. Fatigué, cassé en
mille morceau, je n’avais qu’une envie, dormir les quatre dernières heures qu’il
me restait avant que cette cour de merde élise domicile dans ma jambe. Je
devrais écrire un décret interdisant l’entrée des gens dans les appartement
impériaux lorsque je m’y trouve.
« Puis-je maintenant DORMIR, puisque Madame l’Impératrice
a retiré les draps de notre lit conjugal ? »
Une menace à peine dissimulée se trouvait derrière ces
mots. Si elle continuait à me chercher, à me narguer avec sa petite tenue qui
dévoilait sans vergogne une poitrine jeune mais séduisante, j’allais finir par
la violer sur place. Personne ne nous entendrait, les gardes étaient ailleurs,
mobilisés pour la résistance potentielle qui pourrait nécessiter une grosse
armée.
« Es-tu calmée, Femme ? »